De Castebrie à Castel-brie – Epilogue

ls s’étaient endormis tard, cette nuit-là.

Le conseil avait duré longtemps. Les registres étaient pleins. Les dernières décisions avaient été scellées à la lueur des bougies, sur des tables de fortune. Et dans une tente un peu à l’écart, Paulin Delaporte, allongé sur une couche de toile, avait fermé les yeux sans prière ni mot.

C’est alors que le rêve commença.

Mais ce n’était pas son rêve.

C’était leur rêve.

De Castebrie à Castel-brie – Chapitre 9

Ils avaient dressé une longue table sous la halle ouverte, encore à demi en chantier. Au-dessus, une bâche tendue pour protéger des bourrasques. Autour, des bancs hétéroclites, des tonneaux, des murets de pierre.

C’était le premier Conseil de la Ville.
Pas un simulacre. Pas une réunion préparatoire. Le premier moment où la parole allait compter.

Séguran était là, mais ne siégeait pas. Il observait. La bannière noire et mauve pendait au fond de la halle, accrochée à deux piquets, presque modeste. À la droite de la table : l’Ordre des Chevaliers — Owain pour Castel-Brie, un Porteur de Saint-Jean en armure pour les leurs. À leur gauche : le Clergé, avec Isile légèrement en retrait, derrière la place du Céleste.

De Castebrie à Castel-brie – Chapitre 8

Les voix s’élevaient dans la tente de commandement. Autour de la table, des conseillers s’échangeaient notes et remarques sur les routes du nord. Le prince Renan de Cernay, debout, parcourait un registre sans grande conviction. Le ton était calme. Pratique. Loin des chants d’honneur et des promesses d’antan.

Séguran entra sans être annoncé. Aucun garde ne bougea.

Il ne s’inclina que d’un geste bref, puis s’immobilisa face au prince. Le silence s’installa, mesuré.

Renan leva les yeux. Pas surpris. Pas contrarié. Seulement… las.

— Messire de Castebrie.

— Monseigneur. Je viens vous parler d’une décision. Elle vous concerne.

De Castebrie à Castel-brie – Chapitre 7

Le soleil peinait à percer les nuages au-dessus des collines. L’air était frais, chargé de l’humidité des dernières pluies. À la lisière du camp de Castebrie, un terrain vague avait été sommairement aplani pour les exercices. Quelques jeunes y répétaient des mouvements d’épée sous le regard distrait de deux vétérans.

De Castebrie à Castel-brie – Hors-Série 3

Le dernier relais de montagne s’éteint derrière moi, avalé par les premiers contreforts. Plus de chemins battus, plus de relais officiels. À partir d’ici, ce sont les cols, et ce qu’ils laissent passer.

On appelle ce passage la Route de Cendres, et je comprends mieux pourquoi. Le sol y est noir et friable, chaque pas soulève une poussière fine, comme un vieux deuil qui refuse de se tasser. Même les arbres, quand il y en a, poussent bas, courbés, creusés de l’intérieur par le vent. Rien ici ne s’élève sans lutte.

De Castebrie à Castel-brie – Chapitre 6

Le vent soufflait en longs couloirs entre les tentes. Le camp avalonien, vaste et bien organisé, semblait agité d’une activité étrange : ni tout à fait militaire, ni tout à fait diplomatique. Les nobles allaient et venaient, les pages couraient, les serviteurs pliaient des étoffes qui n’avaient jamais vu la guerre.

Séguran s’éloigna seul, vêtu sans faste, un pli soigneusement roulé dans la besace à son flanc. Il l’avait lu trois fois. Une missive brève, scellée d’or et azur, où le baron Anthoine de la Nouvelle-Vry l’invitait à « discuter d’avenir là où les routes croisent la mémoire ».

De Castebrie à Castel-Brie – Chapitre 5

La salle était sobrement aménagée : des bancs de bois, une longue table de réunion, des tentures aux couleurs d’Avalon pendues sans soin. Les murs transpiraient l’humidité d’un printemps trop pluvieux, et l’air portait cette odeur fade des lieux où l’on parle beaucoup pour ne rien décider.

Nilrem Nipmip attendait son tour. Debout près de la porte, il tenait entre ses mains un petit flacon de verre aux reflets verdâtres. Son regard courait sans cesse sur les visages réunis autour de la table, comme s’il cherchait encore un fragment de raison.

Un éclaireur venait d’annoncer une embuscade probable sur le chemin nord. Une solution de dissuasion avait été évoquée : créer un piège sensoriel à base de vapeurs et d’agents réactifs.

Nilrem avait levé la voix.

De Castebrie à Castel-Brie – Hors-Série 2

Issu d’une famille de basse extraction, vivant de routines simples avec le plaisir du travail bien fait, je prenais plaisir au simplicité de la vie. Levée aux aurores avec le chant du coq, veillée tard le soir avec un alcool maison pour se réchauffer, la vie était terriblement routinière. Lorsque j’appris qu’un baronnet avait décidé de mener une colonisation sur les merveilleuses terres étranges d’Obéon, j’ai signé des deux mains le certificat d’asservissement colonial qui m’offrirait des terres sur le nouveau continent à la fin de mon contrat.

De Castebrie à Castel-Brie – Chapitre 4

La lumière du soir glissait sur les arêtes crues de Bélème, ville jeune encore couverte des échafaudages de son ambition. Dressée sur les terres sauvages de l’Obéon intérieur, elle paraissait à la fois fière et assiégée. Au nord, à quelques encablures, s’élevait l’immense monolithe, bloc de pierre noire aux reflets d’obsidienne, gravé de runes anciennes. Il ne bougeait pas. Il ne parlait pas. Mais tous savaient qu’il tenait les hommes-bêtes à distance. Pour combien de temps encore, nul ne le disait.